Partout où je me promène, il y a presque toujours un petit groupe d’urubus à tête rouge dans le ciel. Ils planent en cercle en profitant des courants d’air ascendants pour scruter le territoire à la recherche de nourriture. Cet oiseau plutôt intrigant est capable de planer pendant six heures consécutives sans battre des ailes. On le voit seul ou en groupe de deux ou trois individus, mais lorsqu’une proie est en vue, on peut alors en voir une dizaine regroupés près d’un animal mort. Chacun attendant son tour pour se nourrir.
Son nom anglais, Turkey vulture lui viendrait du fait que sa tête ressemble étrangement à celle du dindon. Son bec court et crochu est puissant et lui permet d’arracher la chair de ses proies. Il est aussi adapté pour décortiquer les os. Le mâle et la femelle sont techniquement identiques, sauf que la femelle est de plus grande taille.
Le plumage de l’Urubu à tête rouge est noir, mais avec des nuances de brun et d’argenté. Ses ailes sont longues et forment un V en vol. Il a un collet noir au niveau du cou. Sa petite tête rouge déplumée, d’où son nom; Urubu à tête rouge, lui permet de se nourrir de carcasses sans trop se salir. Il est doté d’une vue perçante et d’un odorat exceptionnel qui l’aide à repérer ses sources de nourriture.
Lors d’une escapade, sans but précis, alors que je roulais sur une route de campagne, j’ai aperçu un groupe de six urubus dans un champ labouré, en bordure de la route. Ils étaient attroupés près d’un raton laveur qui gisait sur l’accotement. L’animal, de toute évidence, avait été happé par une voiture depuis peu.
Je me suis garée devant la scène de l’autre côté du chemin alors que le groupe d’urubus battait en retraite un peu plus loin dans le champ. L’Urubu à tête rouge est craintif, mais lorsqu’un repas aussi copieux est en jeu, il restera aux alentours, gardant sa proie à vue.
Après une dizaine de minutes, deux urubus à tête rouge se sont avancés timidement en volant à ras le sol vers l’animal. Ils l’ont alors agrippé par la queue et le fessier et avec beaucoup de détermination et d’efforts, l’ont tiré jusqu’au champ en sautillant de quelques pas à la fois. Les autres toujours immobiles attendaient le dénouement de la manoeuvre. Le raton n’avait pas encore rendu l’âme et les deux urubus restaient aux guets en lui picorant le fessier aux cinq minutes. Probablement pour valider si le raton était bel et bien mort.
Après plus d’une heure, un urubu s’est alors mis à tirer sur la peau de l’animal pour la déchirer et en exposer la chair pendant que le reste du groupe patientait toujours plus loin dans le champ.
Devant une telle scène, je devais me rappeler que l’ensemble des êtres vivants se nourrissent les uns des autres. C’est le principe de la chaîne alimentaire. Chaque organisme est prédateur du maillon précédent et proie du maillon suivant. L’équilibre de l’écosystème s’établit à partir de cette chaîne alimentaire et l’Urubu à tête rouge contribue à maintenir cet équilibre en purifiant les écosystèmes.
L’urubu se nourrit de cadavres en décomposition mais encore comestibles. Il possède une habileté peu commune chez les espèces aviaires. Ses organes olfactifs sont très développés. Il utilise son odorat pour repérer sa nourriture en détectant le mercaptan éthylique, gaz produit par les animaux en décomposition.
Une fois rassasié, l’urubu à tête rouge peut rester au moins quinze jours sans boire ni manger.
Malgré tout, il préfère les dépouilles fraîches et de petites tailles. Il a été démontré qu’il préfère les cadavres d’animaux décédés il y a entre un et quatre jours. C’est suffisant pour que la carcasse dégage une odeur, mais sans que les chairs soient en décomposition trop avancée. Il lui arrive aussi, mais plus rarement, de se nourrir de matières d’origine végétale comme des citrouilles, de raisins et d’autres fruits en décomposition.
L’urubu à tête rouge possède la plus vaste aire de répartition des vautours en Amérique: Il est présent du sud du Canada jusqu’au sud de l’Amérique du sud.
C’est en 1970 qu’il a fait ses premières apparitions au Québec.
En 1986, dans la municipalité de Rigaud, en Montérégie-ouest, que le premier nid d’Urubu à tête rouge au Québec a été découvert.
Depuis, il a connu une expansion spectaculaire et il occupe aujourd’hui presque toutes les régions du Québec méridional. Grâce à sa prolifération, il est devenu familier dans notre paysage. La longévité record en nature de l’Urubu à tête rouge est de 16 ans et 10 mois mais, il peut vivre jusqu’à 20 ans en captivité.
Malgré qu’il soit présent partout aux États-Unis, en Amérique centrale et au nord de l’Amérique du Sud, l’Urubu à tête rouge aurait été poussé à quitter le sud des États-Unis dû à la détérioration de son habitat causée par l’agriculture intensive et l’urbanisation. Il s’est alors mis à coloniser les territoires plus au nord-est du continent. Au Québec, l’augmentation de l’espèce est attribuée en partie, à l’extension du réseau routier, à la prolifération de cerfs, mais aussi à la diminution des pesticides dont l’usage affecte la reproduction des oiseaux de proie. L’abondance de nourriture; carcasses d’animaux morts qui parsèment le bord de nos routes constituent une source d’alimentation continue et abondante pour ce charognard.
Bien que l’espèce ait peu de prédateurs naturels, l’Urubu à tête rouge a tout de même quelques moyens de défense si ses oisillons sont menacés au nid. Le principal consiste à siffler et à régurgiter de la viande à moitié digérée, une substance dont l’odeur répugnante incite la plupart des animaux à s’éloigner. Parfois aussi, il feindra la mort.
Il ne possède pas de syrinx ni les muscles qui lui sont associés. Ce qui le rend plutôt silencieux. Cependant, face à une menace, il émettra des bruits plutôt étranges. Des vocalisations consistant en des grognements et des sifflements.
Il ne construit pas de nid, mais place ses œufs dans le coin caché d’un surplombement; talus d’éboulis, surplomb de falaises, cavité, crevasse. Il lui arrive aussi de nicher dans des bâtiments abandonnés en milieu forestier. Vieilles granges, cabanes à sucre abandonnées, affûts de chasse. On le retrouve surtout dans les zones agricoles et dans les forêts feuillues ou mixtes adjacentes.
La saison de reproduction qui débute en mars, atteint son maximum en avril et mai et se termine en juin. La femelle pond de 1 à 3 œufs à même le sol. Les petits demeurent au nid environ 50 jours. Les parents nourrissent leurs petits en régurgitant de la nourriture prédigérée dans leur bec. Leur premier envol se fait généralement au bout de deux ou trois mois.
L’Urubu à tête rouge défèque sur ses pattes et utilise l’évaporation de l’eau qui est contenue dans ses fientes liquides pour se rafraîchir. Ce processus est connu sous le nom d’urohydrose. Les vaisseaux sanguins des pattes sont rafraîchis et celles-ci deviennent striées par les cristaux blancs d’acide urique.
Les fèces très acides de l’Urubu à tête rouge peuvent affecter ou tuer des arbres et d’autres végétaux.
L’Urubu à tête rouge possède un des systèmes digestifs les plus robustes de la nature. Les sucs gastriques qu’il contient sont tellement acides qu’aucune bactérie n’y survit. Il peut donc digérer des bactéries et des tissus en décomposition nettoyant ainsi l’environnement de toxines qui pourraient s’avérer dangereuses pour la faune. Mais, malgré sa forte tolérance aux toxines, il ne peut pas consommer de carcasses en état de putréfaction avancée; c’est pourquoi il doit repérer au plus vite les cadavres d’animaux morts.
Il a parfois la chance de se régaler de plus grosses proies comme un cerf laissé en reste par un plus gros prédateur. S’il ne parvient pas à déchirer le cuir de leur peau, il attendra qu’un autre animal, plus robuste, la déchiquète pour lui.
L’Urubu à tête rouge est protégé légalement par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs au Canada et aux États-Unis.
Ce grand mal aimé, joue un rôle écologique indispensable dans l’assainissement des milieux, en nettoyant les dépouilles animales en décomposition.
Photos & vidéos: © escapadeauxoiseaux.com
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