Escapade aux oiseaux
Entre nous et la nature
Fou de bassan, Île Bonaventure
Les fous de Bassan se courtisent en se frottant le bec, en s’étirant le cou et les ailes et en balançant quelques pas de danse pour séduire leur partenaire. On reste bouche bée face à l’ampleur de cette colonie exceptionnelle. Le spectacle grandiose est d’une beauté indescriptible et se déroule dans le bruit incessant de leurs cris! Doux murmures, menaces vocales et multiples prises de bec!
On débarque sur l’Île Bonaventure pour voir les fous de Bassan mais aussi pour vivre une expérience unique, le temps d’une journée. Les paysages y sont magnifiques et la rencontre avec les fous de Bassan est saisissante! Ils sont là devant nous par dizaines de milliers, entassés les uns sur les autres sur une petite parcelle de l’île.
Le fou de Bassan fréquente les eaux marines de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent du mois d’avril jusqu’à la fin octobre. Après la saison de nidification, les fous de Bassan descendent le long de la côte est américaine et passeront l’hiver, du Maine jusqu’en Floride et dans le golfe du Mexique.
SE RENDRE SUR L’ÎLE BONAVENTURE
Normalement les départs vers l’île se font depuis le village de Percé mais vu la réfaction du quai, (été 2020), l’embarquement se faisait plutôt à l’Anse à Beau-Fils. Un trajet en bateau d’une trentaine de minutes. http://www.lesbateliersdeperce.com/.
Il est aussi possible de réserver auprès de http://croisieres-julien-cloutier.com/web/.
LE FOU DE BASSAN EST LE PLUS GROS OISEAU MARIN INDIGÈNE DE L’ATLANTIQUE NORD.
LE REFUGE D’OISEAUX MIGRATEURS DE L’ÎLE BONAVENTUREET DU ROCHER PERCÉ A ÉTÉ CRÉÉ EN 1919.
Il y a plusieurs points d’observations et les paysages sont tout simplement splendides. Jamais très loin de la mer, les sentiers de l’Île Bonaventure sillonnent des prairies, des champs, et une forêt de conifères. Les falaises qui ceinturent l’île et le rocher Percé constituent le plus important refuge d’oiseaux migrateurs du Québec.
Des quatre sentiers permettant d’atteindre le plateau où nichent les fous de Bassan, nous avons opté pour le parcours le plus direct; le sentier des Colonies, mais je suggère fortement le Chemin-du-Roy que nous avons emprunté pour le retour.
C’est le sentier le plus au sud et sûrement le plus beau. Il longe les falaises escarpées qui abritent plusieurs espèces d’oiseaux marins, comme le Guillemot marmette, le Petit Pingouin et le Grand Cormoran que j’ai eu la chance de photographier.
Sentier du Chemin-du-Roy.
CHAQUE ANNÉE, ENVIRON 60 000 PERSONNES DÉBARQUENT SUR L’ÎLE BONAVENTURE.
Adulte ou immature?
Comparativement à l’adulte, le plumage de l’immature (environ un an d’âge) a encore beaucoup de noir. Il faudra environ quatre années pour que l’immature obtienne son plumage adulte.
À gauche, fou de Bassan adulte. À droite, immature.
En période de nidification, le fou de Bassan a un comportement grégaire et forme des populations denses. Il n’en demeure pas moins qu’il est extrêmement territorial. Il n’hésitera pas à repousser tout intrus hors de son espace de façon très convaincante!
FAIRE SON NID
Les couples occupent le même nid d’année en année et ce dernier tend à s’épaissir au fil des ans. Il est construit à même le sol, avec de la boue tapée, des herbes, des algues et des débris de mer et en plus des plumes tombées qui s’accumulent et les restes de carcasses de poissons.
Oisillons
Entre la fin mai et la mi-juin, la femelle pond un seul œuf d’un blanc bleuté. L’œuf est couvé par les deux parents. L’incubation de l’oeuf dure 43 jours. Une fois hors de l’œuf, habituellement durant la première semaine de juillet, l’oisillon à la peau grisâtre dénuée de tout duvet. À deux semaines, il est recouvert d’un duvet blanc et soyeux. (Crédit photo: Serge R.)
PÉRIODE DE NOURRISSAGE
Jusqu’à ce qu’il puisse prendre son envol et trouver lui-même sa nourriture, le petit est nourri par ses parents. La période de nourrissage est de 91 jours. Le poussin grandit ensuite de 80 g à plus de 4 kg en environ 90 jours. Au moins un parent est ainsi présent au nid, pendant que l’autre est parti pêcher en mer. Le fou de Bassan peut parcourir des dizaines voire des centaines de kilomètres pour rapporter du poisson à son seul et unique rejeton qu’il nourrit par régurgitation.
LES YEUX DU FOU DE BASSAN SONT DISPOSÉS DE FAÇON À VOIR VERS L’AVANT CE QUI LUI CONFÈRE UNE VISION EXCEPTIONNELLE!
Cela lui permet de déterminer la profondeur à laquelle nagent les bancs de poissons. Il plane à environ une soixantaine de mètres au-dessus de la mer. Une fois le banc de poissons repéré, il se précipite dans un piqué pouvant atteindre 90 km/hre et plonge sous l’eau. Il attrape le poisson et l’avale avant même de remonter à la surface.
REMONTER À LA SURFACE LE BEC VIDE LUI A VALU L’APPELLATION DE « FOU » PAR LES PREMIERS PÊCHEURS QUI LES AVAIENT OBSERVÉS.
En 2009, la colonie atteignait près de 60 000 couples nicheurs. Mais ce nombre a diminué de 20 % entre 2009 et 2011. Le déversement pétrolier qui s’est produit en 2010 dans le golfe du Mexique, l’aire d’hivernage de 25 % des fous de la colonie a eu un impact certain sur la diminution de la colonie.
COMBIEN DE FOUS SUR L’ÎLE?
Les années qui ont suivi ont été marquées par une réduction importante de sa productivité et du nombre de couples qui venaient s’y reproduire. Depuis 2009, le succès de reproduction de ces oiseaux marins en Gaspésie varie entre 40 et 20 %.
En 2018 le taux de reproduction avait dépassé les 60 %, pour atteindre 116 000 individus ce qui n’avait pas été vu depuis 2005.
Pour éviter un déclin de la colonie dans le temps, la stabilité de reproduction doit se maintenir ou être supérieur à un taux d’environ 67%. Mais en 2019, le taux a rechuté et seulement 25 % des poussins ont survécu. Soit un poussin sur quatre.
En 2012, la reproduction des fous de Bassan de l’Île Bonaventure a été presque nulle.
En 2012, le taux avait atteint un creux avec un maigre 8%. Le poids des poussins comparativement à leur taille n’était pas suffisant pour assurer leur santé. Il y a une relation importante entre le poids et la survie des poussins.
Les chercheurs qui étudient le phénomène depuis maintenant plusieurs années constatent une diminution de la disponibilité en nourriture dans l’aire d’alimentation en des fous de Bassan. Cela, en raison du réchauffement des eaux du golfe du Saint-Laurent. Les fous de Bassan doivent aller de plus en plus loin pour chercher leur nourriture.
Les fous de Bassan s’alimentent surtout de capelan au printemps, mais l’été venu, la majorité de leur régime alimentaire est composé de maquereaux. L’abondance de leur proie principale, le maquereau, a grandement diminué dans les eaux du St-Laurent.
Selon Pêches et Océans canada, il y aurait 14 fois moins de maquereaux dans le golfe du Saint-Laurent aujourd’hui que dans les années 1970.
Le maquereau est un poisson très sensible aux variations de température. Il a tendance à migrer vers le nord et à nager plus en profondeur pour fuir les températures de l’eau plus chaude. À l’été 2012, la température de l’eau de surface du golfe du Saint-Laurent, a été plus élevée de 2 degrés, selon des chercheurs de Pêches et Océans Canada et de nombreux fous de Bassan ont été observés à des endroits plus éloignés que la normale. La colonie pourrait amorcer un déclin si effectivement le maquereau demeure aussi rare dans le sud du Saint-Laurent.
Ces observations ont également été confirmées par les données obtenues grâce aux GPS posés sur certains individus de la colonie et qui révèlent des voyages de plus de 600 km pour s’alimenter. Depuis 2011, l’oiseau semble de plus en plus présents en Basse-Côte-Nord, notamment dans le secteur de Blanc-Sablon.
Voyager toujours plus loin pour se nourrir.
Le fou de Bassan se nourrit dans un rayon de 200 kilomètres autour de l’île Bonaventure. Mais lorsque la nourriture est rare, il doit parcourir des kilomètres supplémentaires pour s’alimenter et rapporter de la nourriture à son seul rejeton. Cela perturbe considérablement le cycle de vie de l’espèce et réduit de beaucoup le temps de nourrissage du poussin.
Normalement, il y a toujours un parent qui reste au nid pour surveiller le poussin et le protéger contre les intempéries, la prédation ou les agressions des autres individus. Étonnamment à l’été 2012, de nombreux poussins ont été observés seuls, abandonnés au nid durant plusieurs heures. Une situation inusitée, qui a malheureusement entrainé la mortalité de nombreux poussins, morts principalement de faim ou victimes de prédation.
DIS-MOI CE QUE TU MANGES ET JE TE DIRAI…
Les chercheurs ont noté que le lançon, un petit poisson à la base de la chaîne alimentaire de plusieurs poissons, baleines et oiseaux marins, est de plus en plus présent dans la diète du fou de Bassan. L’apparition du lançon dans l’alimentation du fou de Bassan s’est introduite vers 2012. Son contenu énergétique est moindre que le maquereau.
Si le maquereau demeure aussi rare dans le sud du Saint-Laurent et que les fous de Bassan doivent s’alimenter sur des proies alternatives qui sont de moins bonne qualité et moins énergétiques, comme le capelan et le lançon, les biologistes estiment que la colonie de l’Île Bonaventure pourrait être appelée à décroître au cours des prochaines années.
Les chercheurs demeurent tout de même optimistes quant à la survie de l’espèce et croient que le fou de bassan saura s’adapter à ces changements environnementaux;
- Le fou de bassan a une bonne longévité. Une espérance de vie de 16 à 20 ans.
- La colonie de lÎle Bonaventure est très ancienne et le fou de Bassan s’est montré très fidèle à son site de reproduction.
- Le plus vieux fou de Bassan du Québec, répertorié, avait atteint l’âge vénérable de 26 ans!
Photos & vidéos: © escapadeauxoiseaux.com
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